le 29 juillet 2022 n'a rien à envier à l'italie du XVe siècle, ayant vu émerger la renaissance — pas celle de donatello et michel-ange, mais celle de beyoncé. je me souviens encore de la découverte de ce projet à l'esprit marqué, qui m'a tout de suite plu. genre vraiment plu.

pourtant, je ne suis à l'origine pas une particulière amatrice de dance et de house, ni une experte de la scène ballroom. il m'a fallu du temps pour comprendre beaucoup des références de ce projet (ce qui contribue à son incroyable consistance selon moi). mais l'énergie m'a tout de suite happée, comme elle a donné envie à tant de gens de rejoindre la piste de danse.

cela fait maintenant un an, voire un an et demi que cet album est sorti, et il me colle à la peau comme aucun projet ne l'a fait depuis longtemps — quelque chose que je n'aurais pas soupçonné de prime abord, surtout pour l'intégralité des tracks. c'est pourquoi je souhaitais en parler aujourd'hui ; cet album, d'une de mes artistes préférées, remplit littéralement mon quotidien sans que je puisse m'en défaire, et j'aime tellement la musique que ça me rend très heureuse. et j'ai envie d'en parler un peu plus que faire des rankings dans mon cercle tiktok.

"we dress a certain way, we walk a certain way, we talk a certain way, we-we paint a certain way, we-we make love a certain way. you know all of these things we do in a different, unique, specific way that is personally ours."

PHILOSOPHIE D'UNE RENAISSANCE : RELEASE THE WIGGLE A "GROWER" ALBUM ? A chrome REVIEW — QUAND CHAQUE PISTE EST UNE EXPÉRIENCE

philosophie d'une renaissance ; release the wiggle

RENAISSANCE est un projet constituant le premier acte d'une oeuvre plus large dont on ne connait pas encore le reste. inspiré des années 1970 et de la culture ballroom aux états-unis — une sous-culture des minorités hispaniques et noires lgbtqi+ qui ont commencées à créer leurs propre concours de voguing, de drag etc, en s'organisant en "maisons". l'album a ainsi des sonorités de house, de dance, qui se réfère à la scène ballroom dans ses rythmes, ses samples et ses paroles ; il est ainsi un véritable hommage à la communauté lgbtqi+, et à son oncle johnny (mentionné dans HEATED). 

à propos de la scène ballroom : article URDLA ('scène ballroom : une culture artistique et politique') • article de subcultures and sociology, grinnell college ('underground ball culture') • vanvogue jam • vidéo youtube vogue ('kiddy smile donne un cours de voguing dans les bureaux de vogue paris')

composé durant la période covid, ce projet porte en son sein une envie de libération. de libération individuelle, collective, il manifeste l'envie de danser et de prendre l'espace. empreint des cultures noires et lgbtqi+, il célèbre les cultures minoritaires, permettant d'offrir une place pour être fier∙e. RENAISSANCE est un échappatoire aux moments rudes et à la peur, un endroit isolé aux sonorités innovantes où on se retrouve et on peut bouger dans tous les sens, car il nous appelle à lâcher prise.

il y a une forme d'amusement dans la manière de manier autant de styles, de la marier puis de les disséquer pour les rassembler de nouvelles manières au sein d'une même chanson. beyoncé libère aussi la musique des ses carcans habituels, en faisant un projet amusant à écouter, intriguant à redécouvrir, au sentiment profondément libérateur.

"creating this album allowed me a place to dream and to find escape during a scary time for the world. it allowed me to feel free and adventurous in a time when little else was moving. my intention was to create a safe place, a place without judgment. a place to be free of perfectionism and overthinking. a place to scream, release, feel freedom. it was a beautiful journey of exploration."

a "grower" album ?

au sein de la beyhive - la fanbase de beyoncé - mais aussi plus largement, j'ai pu constater une réflexion commune autour du fait que cet album est un grower, c'est à dire un album qu'on ne se met à apprécier qu'au fil des écoutes. ainsi, beaucoup ont été sceptique sur une partie de l'album (ou bien son intégralité), avant de progressivement de raviser en redécouvrant ses morceaux. cette considération est probablement lié à-au fait que ce projet soit inspiré d'une sous-culture et ait donc un aspect un peu niche.

j'aurais tendance à d'abord tempérer cette affirmation en évoquant ma propre expérience du projet : je suis très vite tombée amoureuse de RENAISSANCE. l'ambiance et la production de l'album ont vite conquis mon cœur, avant même si je n'en saisisse complètement la teneur. mais, il est clair que comprendre d'où les inspirations viennent, ce que l'album souhaite adresser (même si on le comprend rapidement en substance), permet de se le réapproprier et de l'apprécier d'une nouvelle manière.

pour moi, cet aspect de redécouverte se retrouve de façon marquant non pas dans le projet en totalité, mais dans la réécoute de certains morceaux qu'on pourrait trouver spéciaux à premier abord. cela pourrait être le cas de la house déterminée de COZY, le mélange du beat avec la boucle de gospel dans CHURCH GIRL, ou encore la house dramatique de PURE. à force de saisir le lore de l'album, on se met à vraiment aimer ces rythmes, jusqu'à ne plus pouvoir s'empêcher de danser. mes principales redécouvertes ont été THIQUE, MOVE et ALL UP IN YOUR MIND desquelles je parle juste en dessous, mais aussi ALIEN SUPERSTAR qui a fini par devenir mon absolu préféré.

bref, une des raisons pour lesquelles ce projet m'a marquée si longtemps et me marque encore est probablement sa capacité à se renouveler dans mes oreilles, et à créer de nouveaux sentiments.

RENAISSANCE a d'ailleurs donné lieu pour ma part à une large phase d'écoute exclusive de musique house et dance-pop ; l'album m'a progressivement absorbé dans son monde, et je ne m'en plains pas.

a chrome review ; quand chaque piste est une expérience

ces trois tracks ont en commun de s'être très rapidement démarquées à mes yeux, dans leur caractère affirmé et confiant. I'M THAT GIRL a un titre plutôt évocateur, ALIEN SUPERSTAR montre l'unicité de l'artiste et ce qui la rend un 'alien' dans l'industrie musicale, tandis qu'AMERICA HAS A PROBLEM déjoue les attentes d'une chanson politique pour affirmer que le problème de l'amérique, c'est beyoncé et l'addiction qu'elle crée, comparable à de la cocaïne.

il y a quelque chose d'empouvoirant à écouter ces chansons, qui ont un beat tranché, des paroles assurées et des moments inattendus (notamment le refrain de AS et le pont de ITG). ces chansons manifestent une véritable capacité d'agir, de se sentir fort.e, littéralement that girl dans toute son originalité.

comment ne pas être de bonne humeur en écoutant ces chansons sérieusement ? peut-être plus que toutes les autres tracks, celles-ci parlent de faire la fête, de se libérer, d'être fier∙e et à l'aise avec soi. il n'est pas étonnant d'avoir vu émerger CUFF IT et BREAK MY SOUL comme les deux singles du projet, les deux en résument assez bien l'esprit et l'ambiance.

CUFF IT a été un immédiat favoris pour moi, la ligne de basse et le groove a trop été un coup de coeur. et même si au moment où il était sorti j'avais du mal à me l'admettre, le refrain de BREAK MY SOUL met tellement de bonne humeur et est pas mal entêtant (mais d'une bonne manière ?). COZY a été un grower, je ne l'ai jamais détesté, mais je l'aime désormais plus que jamais, ses quatre notes de basse et ses paroles qui font sûrement parti de mes préférées. might i suggest you don't fuck with my sis?

ah oui et on n'a pas assez parlé du QUEENS REMIX de BREAK MY SOUL qui reprend Vogue de madonna, qui a limite une ambiance envoûtante, et regroupe encore une fois beaucoup des thèmes de l'album — petit coup de coeur sur le passage inspiré de la chanson originale où elle rend honneur à des figures féminines et noires de la musique.

on en arrive aux choses qui fâchent. ces trois morceaux... je ne dirais pas qu'ils sont mauvais (très loin de là), ni même qu'ils sont des skips constants. pour autant, ils sont pour moi clairement les moins intrigants de l'album. je ne pense pas qu'ils sont de mauvaise qualité, j'ai simplement très personnellement pas plus accroché à force de les écouter.

ENERGY est probablement ma préférée des trois, j'aime beaucoup le rythme, le featuring de beam rend bien — et le son a pas mal été renouvelé par le challenge "look around everybody on mute". HEATED est un peu ennuyeuse (speaking my truth sjdsdkjs........), j'adore la fin mais je n'écoute simplement plus la chanson en entier. et CHURCH GIRL... she's fun, but not for me, j'aime pas tellement le beat. on peut pour autant reconnaître à cette track des paroles très touchantes et un sample très cool (des Clark Sisters).

le trio interdit, celui qui a fait le moins de streams sur les plateformes et probablement les tracks considérées les plus mitigées de l'album. pas dans leur contenu mais plutôt dans leur style démarqué ; de l'afrobeat sur MOVE à l'aspect futuristique de ALL UP IN YOUR MIND. ces morceaux ont également été mis de côtés à mes premières écoutes, ce n'est que plus tard que j'ai pu les apprécier à leur juste valeur.

MOVE, THIQUE et AUIM forment un trio étonnement cohérent, intense et provocateurs, qui évoquent la piste de danse, le corps et l'addiction (à beyoncé, qui est dans la tête de son amant, all up in his mind). si elles ne sont pas les tracks les plus élaborées de l'album lyriquement, elles se ressentent et ont un rythme particulièrement entraînant quand on s'y connecte. MOVE donne cette envie de crier de bouger de la piste (avant de s'adoucir d'une façon incroyable), THIQUE est déterminé et un peu sexy, et AIUM envoie dans une nouvelle dimension — littéralement.

MOVE et THIQUE illustrent à nouveau des constructions originales qui sortent de structures couplets/refrains complètement figées, pour nous surprendre avec des deuxièmes parties et des fins tout autres. j'apprécie ces changements parce qu'ils permettent de redécouvrir les pistes du projet et d'en imprimer des images différentes.

je serais toujours fâchée de ne pas avoir eu le droit à ce trio qui n'a pas été performé à paris (on n'a pas le droit de goûter au bonheur en europe avec elle jpp)

prenez une pause du dancefloor, les douceurs de l'album sont arrivées. ce duo est pas mal complémentaire (la transition entre les deux est peut-être ma favorite de l'album). ces deux chansons parlent d'amour, de sensualité et de sexe, avec cet amusement persistant qu'on retrouve dans les productions, les harmonies et les riffs souvent fous.

je dirais que PLASTIC OFF THE SOFA est la track la plus intime de l'album. elle a une sorte d'ambiance tamisée accompagné de la voix adoucie de beyoncé, comment ne pas être amoureux∙se... la transition avec VIRGO'S GROOVE est organique, et donne sur un morceau qui a fait parti des mes premiers préférés ; une expérience de six minutes qui devrait rendre les onze autres signes astrologiques jaloux de ne pas avoir leur propre hymne.

"i present to you the iconic mother of the house of renaissance beyoncé, prefect, 10, oh!" et ainsi kevin jz prodigy débute la version live de PURE/HONEY, un morceau coupé en deux et destiné à la culture ballroom et au voguing. PURE reprend les coutumes de la ballroom dans des paroles et dans son rythme effréné, laissant ensuite la place à un doux et amusé HONEY, qui se conclut par le sample "miss honey" de moi renee, une chanteuse drag des années 1990.

 il y a pour moi une continuité dans la conclusion entre PURE/HONEY et SUMMER RENAISSANCE, qui réaffirme son caractère de célébration et un sentiment de plénitude. cette dernière track achève la renaissance dans la réjouissance, en honorant le disco à travers le sample "i feel summer" de donna summer. je trouve que ces deux pistes sont les plus marrantes, qu'elles sont un peu folles, qu'elles donnent envie de danser très longtemps et qu'elles font du bien au coeur.

*

bien que j'aimerais arrêter d'embêter mes ami∙es, peu de choses peuvent m'empêcher de parler avec quasi-hystérie de cet album, même un an et demi après. je ne sais pas, il y a quelque chose d'exaltant à l'écouter et à le réécouter à l'infini. j'apprécie la qualité de cet album, mais aussi le fait d'avoir à ce point découvert de choses sur la musique et sur mes propres goûts en l'écoutant. ça faisait longtemps que je n'avais pas eu une telle révélation, merci à la reine mère pour ça. maintenant je retourne prier pour qu'elle sorte un album de rock, car quand ce moment arrivera je serai réellement insupportable.

prenez soin de vous.